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Chris LED     NOUVELLES

Vagabondages nocturnes

Rien n’est plus désagréable que devoir se libérer d’un besoin pressant au beau milieu de la nuit.

C’est ce qu’a pensé Grégoire pendant de longues années, jusqu’à ce que cette excursion nocturne devenue récurrente avec l’âge confine à la banalité. Rodé à l’exercice, il s’exécute maintenant avec une aisance qui ferait pâlir d’envie – pardon pour le terme – un spéléologue dont la lampe frontale aurait rendu l’âme au plus profond de la grotte Chauvet.

Le grain de sable

Il semble sortir d’une forme de torpeur dans laquelle on l’aurait plongé.

Peu à peu ses sens se remettent en marche, à la manière saccadée d’un néon qui s’allume.

Il perçoit le bruit de la mer, très proche, et cette odeur iodée si particulière. Il entend le roulement régulier des vagues qui se brisent en cadence avant de s’étaler de tout leur long dans un bruissement continu que la pente, aussi douce soit-elle, finit par dominer.

Comme sur une plage, pense-t-il.

Portés par une risée de vent qui vient agiter ses cheveux, quelques grains de sable lui criblent soudain la joue.

Intrigué, il ouvre les yeux et découvre avec horreur ce qui entrave sa respiration mais aussi sa mobilité.

Des instants éphémères

Comme beaucoup de gens, Marc emprunte chaque jour sa voiture pour se rendre à son travail.

Il habite en campagne et ne dispose d’aucun moyen de transport collectif qui lui permettrait de laisser son véhicule au garage. C’est pourtant quelque chose qui lui conviendrait bien tant il se soucie de la protection de l’environnement ; mais quand on ne peut faire autrement...

Marc est ingénieur en océanographie et rejoint quotidiennement les laboratoires de l’établissement scientifique qui l’emploie.

C’est un grand amoureux de la nature et cette attirance pour ce que la terre offre de plus beau n’est sans doute pas étrangère à son choix professionnel ni bien sûr aux études qui ont précédé. Si son activité lui permet de percer quelques secrets du monde sous-marin, il n’est pour autant pas insensible à l’univers terrestre et à ses paysages, loin s’en faut. Toutes les contrées ne se valent pas, dit-on, mais son œil avisé saura trouver ici ou là le site qui à lui seul mérite le détour.

Et si de surcroît le soleil mobilise tout son savoir faire pour mettre en valeur, ici les reflets d’un sommet enneigé dans un lac de montagne au petit matin, ou là les chaudes couleurs d’un soir d’été sur un village provençal ancré à flanc de colline, alors son bonheur est total. Cet intérêt pour la lumière, et toute la magie qu’elle offre, lui vient de sa passion pour la photographie, née de son désir d’immortaliser ses plus belles rencontres avec la nature.

Balles et Masques

Le trottoir était encore mouillé. La pluie allait revenir en bourrasques désagréables, Joan en était certaine. Elle ne savait pas si c'était le froid, mais elle grelottait. Elle pressa le pas. Arrivée devant la grille de fer forgé ornée de masques de carnaval, elle se figea. Elle parvint à extraire de sa poche humide une feuille de papier qu'elle déplia délicatement. Quand elle eut terminé  la lecture du message, elle commença à comprendre.

 L'inconnue dans l'ascenseur

Le taxi était déjà passé devant l'immeuble mais il ne s'était pas arrêté. Il avait fait le tour de la place occupée par un manège forain et il approchait à nouveau en roulant lentement, comme s'il était en maraude.

Il stoppa devant l'entrée sombre. Rien ne bougea pendant un très long moment puis la portière arrière droite s'ouvrit violemment mais personne ne descendit.

Au troisième étage, une fenêtre s'éclaira. On entendit de la musique, quelques notes de jazz. C'était un samedi d'avril. Entre chien et loup.

 Coup de tête

Aujourd'hui, Martin vit seul dans un petit studio meublé situé à l'étage d'un salon de coiffure.

L'espace exigu devrait le contraindre à un minimum de discipline pour pouvoir circuler librement au cœur de la pièce, mais il n'est pas rare qu'il trébuche sur un carton à demi éventré contenant tout et rien ou qu'il envoie balader une chaussure de sport sous la table basse à défaut de regarder où il peut mettre les pieds.

En clair, ce n'est pas un adepte du rangement ; d'ailleurs, la chaussure a peu de chance de migrer avant sa prochaine utilisation. Tout cela ne l'empêche pas de marmonner : " C'est le Bronx ici ! ", formule selon toute vraisemblance magique puisqu'à peine prononcée, il n'éprouve plus le besoin d'y mettre de l'ordre à son Bronx.

 Le choix d'Erwin

Le geste ne semblait pas assuré. On percevait une certaine hésitation dans la façon de poser le pied sur cet espace extrêmement étroit, à l'aplomb du vide. Bien que conscient des risques qu'il encourait, l'enfant paraissait déterminé à franchir cet obstacle ; c'était pour lui une question de survie. À chaque nouveau pas, il sentait ses chevilles chanceler avant de trouver l'appui au sol qui lui permettrait d'avancer l'autre jambe avec un minimum d'assurance. Il lui fallait coûte que coûte atteindre la plate-forme située à une vingtaine de mètres tout au plus, à partir de laquelle il se considérerait sauf.

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