Glissements médicos-spacios-temporels
Lundi 4h30 : Dans mon lit à écrire dans ce journal intime. Comme toujours, dès que j'ai le stylo à la main, rien ne sort. J'insiste et...
Lundi 5h12 : Je me suis endormi. Le jour pointe. Je m'ennuie, je pense à hier. Entre autre. +
Dimanche 8h15 : Je me lève plutôt fringant, malgré les diverses absorptions de la veille. Il doit me rester un peu de café.
Dimanche 8h30 : Il en reste, je déjeune.
Dimanche 8h55 : Je me douche en chantant : " I'm a passenger... ". J'adore cette chanson.
Dimanche 9h15 : Je retourne dans ma chambre pour écrire dans mon journal. Je pense à hier ; à hier soir.
Samedi 21h00 : Luc et Béa, Caroline aussi, se pointent à la maison et me promettent une soirée inoubliable.
Samedi 21h20 : J'ai fait du café, beaucoup, j'aimerais qu'il en reste pour demain. On en boit. Luc n'arrête pas de rire, bêtement.
Samedi 21h40 : Luc me dit qu'il est blindé, mais que ce n'est pas fini. Il a piqué, je ne sais où, des pilules expérimentales. Il part dans un grand et long fou rire, suivi par Caroline et Béa.
Sébastien est un garçon ordinaire. Tellement ordinaire que sa banalité en devient extraordinaire : personne ne lèverait jamais les yeux sur lui volontairement s'il n'avait d'autres qualités dont je cause plus loin. Pas moyen d'emballer la belle blonde poitrinaire et incendiaire qui se déhanche comme un ver de terre dans un plat de spaghettis sur la piste de danse. Pas moyen d'être pris au sérieux en évoquant une carrière prestigieuse (à des yeux ordinaires bien sûr) comme avocat ou chirurgien. Donc l'extraordinaire végète. Il a vingt ans et ne fiche rien de ses longues journées. Il écoute la musique à la mode à l'instant " T ", regarde les séries télé que lui conseillent Téléstar ou Téléloisirs (il a peur de perdre Télépoche) et sa mère lui condescend quelques euros pour aller visionner les films les plus regardés. Sébastien cultive son conformisme. Il a quelques amis et on l'a vu au bras de jeunes filles tout aussi peu remarquables que lui, mais rien ne dure, probablement à cause de sa seconde spécificité : Sébastien est un con.
La lune rousse ensanglantait les arêtes du viaduc antique et découpait des myriades de gouttelettes de sang sombre sur les grands chênes des berges du torrent. Aucun éclairage ne sublimait la beauté des gorges qu'enjambait la construction romaine : la municipalité qui gérait le site économisait l'électricité l'hiver. Il ne faisait pourtant pas froid, ou seulement quand la tramontane arrivait enfin à trouver l'entrée de l'étroit défilé et que, furieuse, elle mordait tout ce qu'elle pouvait mordre d'un froid mortel.
Claudine est une gourde. Ses parents n'ont eu de cesse de lui dire pendant son adolescence tourmentée. Ses amies aussi. Ses petits amis, non : elle n'en a eu qu'un pendant cette période de fragilité intense et s'il ne lui a pas dit qu'elle était bête comme ses pieds, il lui a bien fait ressentir. Jusqu'à se marier quelques années plus tard avec la meilleure amie - la seule - de Claudine.